Vie à Edo :
121.
Même les plantes
ont une odeur d’argent
fraîcheur du seuil
122.
Pour mes œillets
j’ai acheté
pour deux sous d’eau
Ora Ga Haru Kobayashi Issa
éditions Cécile Defaut
trad. Brigitte Allioux
Vie à Edo :
121.
Même les plantes
ont une odeur d’argent
fraîcheur du seuil
122.
Pour mes œillets
j’ai acheté
pour deux sous d’eau
Ora Ga Haru Kobayashi Issa
éditions Cécile Defaut
trad. Brigitte Allioux
C’est dans l’île de Cheju, en Corée, que j’accueillis l’annonce de la fin de la guerre. Ce fut pour moi, sincèrement, un grand soulagement. Il en fut sans doute de même pour la plupart des gens. Cela faisait quatre mois que j’avais quitté la Mandchourie, où les iris étaient encore en fleurs. Cheju semblait être le dernier poste avancé de l’empire japonais. Si les combats avaient duré encore un mois, les montagnes de Cheju auraient été mon tombeau. À l’inverse, cette île était devenue comme une deuxième patrie qui me protégea de la mort. Depuis mon arrivée sur l’ile, je transportais à cheval des munitions et des vivres dans la montagne. À force, les chevaux s’écroulaient d’épuisement. On les tuait alors, parce qu’on manquait de nourriture. La viande des chevaux qui ont été privés de fourrage était sans graisse et insipide. Lorsqu’on avait un peu de temps libre, on se reposait à flanc de montagnes et on cueillait des fraises des bois. On pouvait voir la mer teintée par le couchant encercler notre île et au milieu des vagues scintillantes flotter l’ile verte de Mala. De l’autre côté, les sommets s’empilaient et au fond se dressait le célèbre mont Hanra. Ici et là s’alignaient des murets à l’ombre desquels avaient été érigées les tombes des chevaux, en pierres grossières et ornées de fleurs sauvages. Pour les humains, il existe des inscriptions funéraires telles que « Ci-gît … mort loin de sa patrie », mais rien de tel pour les chevaux morts loin de chez eux. Ils doivent être à présent devenus des squelettes parfaitement blanchis.
何もないが
心安なよ
涼しさよ
nanimo nai ga
kokoro yasunayo
suzushisa yo
ne possédant rien
comme mon cœur est léger
comme l’air est frais
Le Rien
Noir
Néant
Je l’ai vu. Je le vois. Je ne dirai pas quoi. Je ne le dis pas à toi. Quoi.
Toi ? Moi.
Je ne vois que le miroir. La nuit. Dans le noir.
Le miroir miroite le noir. Le noir rien de rien. Je ne le dirai pas. Je ne
le dis pas. Tu ne le vois pas.
C’est dans le noir noirâtre de la nuit nuisible le rien de rien dans le
miroir vide que je tombe dans le rien vide. Je l’ai vu. Tu ne le vois
pas. Ne regarde pas tu ne le verras pas. Je ne peux pas le dire. Je ne le
dis pas. Je ne le dis pas à toi. Je suis tombé dans le rien noir du miroir
dans la nuit noire vide. Je tombe dans le vide. J’ai disparu dans le vide
noir. Ne m’appelle pas. Je ne peux pas le dire. Je ne le dis pas à toi. Je
le vois et je le vois. Il est invisible. Je ne le sens pas. Je ne le touche pas.
Le noir noirâtre.
Le Néant du vide de la nuit noire ne se sent pas. Non, je ne le dirai pas.
Je ne peux pas le dire. Il est là. Là il est. Tout noir dans le miroir vide.
Le vide se miroite devant le miroir tout noir dans la nuit noire.
Ne m’appelle pas. Je ne suis pas là. Tu n’es pas là. Rien n’est là. Seulement
le vide. Le noir. Le noir à l’infini. Qui se multiplie et se multiplie que tu ne
verras pas.
Que tu ne vois pas.
Tu ne le vois pas. Le Néant noir
que je vois. Pas toi. Non. Noir
Raoul Hausmann, une anthologie poétique,
Editions Al Dante, Marseille, 2007
Jean-Michel Mension. La Tribu. Allia