FESTIVAL DE FIUMALBO
parole sui muri” / “mots sur les murs

Entre le 8 et le 18 août 1967 a eu lieu une rencontre de jeunes artistes de l’avant-garde italienne et européenne à Fiumalbo, un
petit village très conservateur et très catholique près de Modène,
ainsi qu’une exposition temporaire dans les rues, avec ce qu’on
n’appelait pas encore à l’époque des performances. Cela a pu
avoir lieu parce que le parti de droite à la dernière élection locale
s’était divisé, et que la gauche était passée. Le nouveau maire,
Mario Molinari, était communiste et un ami des poètes et des
artistes. Il a donc décidé, avec quelques amis italiens, Claudio
Parmiggiani, Corrado Costa et Adriano Spatola ainsi qu’avec
le poète français Henri Chopin d’organiser cette rencontre. Le
maire s’attendait à la venue d’une trentaine d’artistes et à une
cinquantaine d’œuvres. Mais le 6 et le 7 août, ce sont plus de 100
artistes qui sont arrivés dans le village et qui ont commencé à
montrer leurs œuvres : des affiches de toutes sortes, de la poésie concrète, de l’art pop ou cinétique. En même temps, du balcon de l’Hôtel de Ville, un haut-parleur diffusait des audio-poèmes d’Henri Chopin et des poèmes phonétiques d’Arrigo Lora-Totino dans un village plutôt habitué à entendre les cloches de
l’église. Spatola marchait dans les rues comme un homme sand-
wich, avec écrit des deux côtés sur lui : « Je suis un poème ». Un
autre, au centre de la place S. Bartolomeo, avait posé une chaise
au milieu d’un cercle peint en blanc et délivrait des certificats
à quiconque était prêt à s’y asseoir un moment. Jean-François
Bory et ses amis Julien Blaine et Jean-Claude Moineau ont rejoué
les frères Ripolin, en écrivant l’un sur le dos de l’autre « La
poesia è… ». Jean-François Bory a aussi peint des poèmes sur les
murs. Ketty La Rocca a créé de faux panneaux de signalisation,
comme « IL SENSO DI RESPONSABILITA », une direction
qui indiquait « le sens des responsabilités ». Kenelm Cox a lancé
un poème-montgolfière dans le ciel. Beaucoup de manifestes,
dont un de John Furnival. Les troubles ont commencé quand
un artiste a accroché près de l’église une affiche où l’on pouvait
lire : « Ne m’appelez pas catholique s’il vous plaît ». Les policiers
de Modène, alertés, convoquèrent le maire, mais protégèrent
aussi les artistes contre une partie de la population. Il faut se
rappeler qu’à l’époque l’avant-garde en Italie se complaisait dans
des discussions théoriques. L’idée de ce festival était de mettre
en contact, sans intermédiaire, l’art d’avant-garde et le public
non averti. Parmi les participants, outre les organisateurs, citons
Carlo Belloli, Alain Arias Misson, Jean-François Bory, Julien
Blaine, Ugo Carrega, Mimmo Rotella, Paul de Vree, John Furni-
val, Gianni Bertini, Nela Arias Misson, Anna Oberto, Sarenco,
Martino Oberto, Aubertin, Mario Diacono, Lucia Marcucci,
Ketty La Rocca, Timm Ulrichs, Gianfranco Baruchello, Ladis-
lav Novak, Jokin Diez, Gianni Sassi, Franco Vaccari, Mauri-
zio Nanucci, Arrigo Lora Totino, Eugenio Miccini, Luciano
Ori, Lamberto Pignotti, Bruno Munari, Heinz Gappmayr, [vo
Vroom, Vincenzo Accame, Franz Mon, Jiri Valoch, Herman
De Vries, Marcel Alocco, Emilio Isgro, Achille Bonito Oliva,
Kenelm Cox, Guido Ziveri. Le maire ne fut pas réélu, et il n’y
eut pas de festival l’année suivante.
Jacques Donguy. Jean-François Bory, une monographie. Presses du réel. 2020.