
Ana Hatherly, sans titre, 1973.
Doc(k)s n°80.
Ana Hatherly, sans titre, 1973.
Doc(k)s n°80.
folie –
folie que de –
que de –
comment dire –
folie que de ce –
depuis –
folie depuis ce –
donné –
folie donné ce que de –
vu –
folie vu ce –
ce –
comment dire –
ceci –
ce ceci –
ceci-ci –
tout ce ceci-ci –
folie donné tout ce –
vu –
folie vu tout ce ceci-ci que de –
que de –
comment dire –
voir –
entrevoir –
croire entrevoir –
vouloir croire entrevoir –folie que de vouloir croire entrevoir quoi –
quoi –
comment dire –
et où –
que de vouloir croire entrevoir quoi où –
où –
comment dire –
là –
là-bas –
loin –
loin là là-bas –
à peine –
loin là là-bas à peine quoi –
quoi –
comment dire –
vu tout ceci –
tout ce ceci-ci –
folie que de voir quoi –
entrevoir –
croire entrevoir –
vouloir croire entrevoir –
loin là là-bas à peine quoi –
folie que d’y vouloir croire entrevoir quoi –
quoi –
comment dire –
comment dire
…
Extrait de
Poèmes, suivi de mirlitonnades
Samuel Beckett
Plaine infiniment grande.
Plaine infiniment triste, sérieuse et tragique.
Plaine sans un creux et sans un monticule. Sans un faux pas, sans un dévers, sans une entorse.
Plaine de solitude immense dans toute son immense fécondité.
Plaine où rien de la terre ne cache et ne masque la terre. Où pas un accident terrestre ne dérobe, ne défigure la terre essentielle.
Plaine où le Père Soleil voit la terre face à face.
Plaine de nulle tricherie. Sans maquillage aucun, sans apprêt, sans nulle parade.
Plaine où le soleil monte, plaine où le soleil plane, plaine où le soleil descend également pour tout le monde, sans faire à nulle créature particulière l’hommage, à toute la création l’injure de quelque immonde accroche-cœur, d’une affection, d’une attention particulière.
Plaine de la totale et universelle présence de tout le soleil, pour toute la terre. Puis de sa totale et universelle absence
Plaine où le soleil naît et meurt également pour toute la création, sans une faveur, sans une bassesse, pour toute la création de la terre dans la même calme inaltérable splendeur.
Plaine du jugement, où le soleil monte comme un arrêt de justice.
Plaine, océan de blé, blés vivants, vagues mouvantes ; à peine quelques carrés de luzernes pour quelques rares vaches, à peine quelques fourrages pour les chevaux, du sainfoin, parce qu’il faut tout de même bien des chevaux pour les fermes ; et au milieu de la ligne plusieurs grands triangles et grands carrés de betteraves ; une tache ; une tare ; mais c’est pour la grande sucrerie de Toury.
Plaine, océan de blé, blés mouvants, vagues vivantes, vagues végétales, ondulations infinies ; mer labourable et non plus comme l’était celle des anciens Hellènes, inlabourable et rebelle à la charrue ; mais également invincible, et également inépuisable ; terre essentielle du midi, roi des étés ; ondulations inépuisables des épis ; océan de vert, océan de jaune et de blond et de doré ; froissements lents et sûrs, froissements indéfiniment renaissants et doucement bruissants, froissements moirés et vivants des inépuisables vagues céréales ; puis parfaits alignements des beaux chaumiers, des grandes et parfaitement belles meules dorées, meules maisons de blés, entièrement faites en blé, greniers sans toits, greniers sans murs, toits et murs de paille et de blé protégeant, défendant la paille et le blé ; gerbes, épis, paille, blé, se protégeant, se défendant, mieux que cela se constituant, se bâtissant eux-mêmes, immenses bâtiments de céréales, parfaites maisons de froment, bien pleines, bien pansues, sans obésité toutefois, bien cossues ; et cette forme sacramentelle, vieille comme le monde, une des plus vieilles des formes, indiquée d’elle-même, inévitable et d’autant plus belle, d’autant plus parfaite, étant plus parfaitement accommodée, la vieille ogive, aux courbes parfaites de toutes parts, à l’angle courbe terminal parfait, terminaison douce et lente et pointe ogivale ; innocentes courbes et formes, dites-vous ; innocentes, apparemment ; astucieuses en réalité, astucieuses et très habiles, d’une patiente et invincible habileté paysanne, invinciblement astucieuses contre la pluie oblique et le vent démolisseur.
Bâtiments de blé insubmersibles aux tempêtes de terre, qui debout contre le vent, contre les larges vents d’automne, contre les durs vents d’hiver, contre les mous vents d’Ouest, contre les secs vents d’Est, contre le neige, contre la grêle, contre les interminables pluies, contre ces pluies inépuisables d’automne et des hivers doux, contre ces éternités de pluies figurations d’éternités, où tout l’air pleut, où le vent pleut, où le ciel pleut et vous pénètre l’âme… grands bâtiments de charges qui faites et tenez tête à toutes les tempêtes de terre, bâtiments qui naviguez toujours, et toujours à la cape, bâtiments au gros ventre, au ventre plein, non obèse, bâtiments aux courbes nautiques, dessinées pour fendre les vagues du vent, les vagues de la pluie, les vagues de l’infortune.
Plaine de platitude. Le seul horizon où le soleil règne, et ne s’amuse point à faire des calembredaines pour les peintres. Pays parfaitement classique, parfaitement probe, où il n’y a pas un effet. Pas un creux où nicherait, où se cacherait un effet.
…
De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle
Cahiers de la Quinzaine, 1907 (Série IX, cahier 1, p.9-145).
Gartempe, guéer, gar le ru au péra, gué du sourceau, ruisseau du verguet, tancognaguet, guéret (la gare, centre de bigar) saint-sulpice-le-guérétois, la garnèche, la gardette (et engardar les gardes, garda, gardagosa-la-fauvette, gardescha-le vairon, garlescha-le gardon) gartempe, bois de gartempe, étempes, tempora des trempes, agorar se gartremper, quel temps au grand-bourg, la souterraine à la croisière, crola, grola, creuse et bande rugueuse (la géraphie) bessine-gare, gartempebessine (granit, uranium d’à Co.Ge.M.A., lavaugrasse, montmassacrot à l’esgarada) la gareille (la garouille de cigarette-maïs, de bigarrat, de carouyat, gartempelacroix) gartempesaint-ouen (chez guénaud, moulin de guillerand) la grande gagne, brandes du bourg, brandes de gardéché (étangs de gardéché, de gadoret) terrier de la garde, les gâts, la garenne, garenna et garriga (la jarrige) grandes varennes (ingrandes sur l’anglin, angles sur l’anglin, eslangar le limousi) la gartaudière, la garsaudière, la garbouillère, la garguillerie, la guerlandière, beauregard (agachar de garrel) bois guernaut, gartempevicq, roc-à-midi égareuillé, roche-à-gué, et garocher au bout du pont, bout du gué, val-creuse, roche-à-gué, et garocher au bout du pont, bout du gué, val-creuse (néons-sur-creuse, la luire, voguer et naviguer vers la vienne).
La Souterraine
22 novembre & 8 décembre 1987.
Théorie des noms / Patrick Beurard-Valdoye. Ed Textuel.
qu’est-ce qu’ils peuvent te faire ?
t’arracher la langue
tu ne fus jamais un orateur exceptionnel
te crever les yeux
n’en as-tu pas assez vu ?
te priver de ta virilité
en tant que mâle, tu ne valais pas grand-chose
te démolir les doigts
de toute façon tu ne devrais pas te curer le nez
te trancher les pieds à la hache
à ton âge on devient sédentaire
te torturer jusqu’à la démence cela fait déjà longtemps qu’on te prend pour un fou
Ernst Jandl.
Vie à Edo :
121.
Même les plantes
ont une odeur d’argent
fraîcheur du seuil
122.
Pour mes œillets
j’ai acheté
pour deux sous d’eau
Ora Ga Haru Kobayashi Issa
éditions Cécile Defaut
trad. Brigitte Allioux
C’est dans l’île de Cheju, en Corée, que j’accueillis l’annonce de la fin de la guerre. Ce fut pour moi, sincèrement, un grand soulagement. Il en fut sans doute de même pour la plupart des gens. Cela faisait quatre mois que j’avais quitté la Mandchourie, où les iris étaient encore en fleurs. Cheju semblait être le dernier poste avancé de l’empire japonais. Si les combats avaient duré encore un mois, les montagnes de Cheju auraient été mon tombeau. À l’inverse, cette île était devenue comme une deuxième patrie qui me protégea de la mort. Depuis mon arrivée sur l’ile, je transportais à cheval des munitions et des vivres dans la montagne. À force, les chevaux s’écroulaient d’épuisement. On les tuait alors, parce qu’on manquait de nourriture. La viande des chevaux qui ont été privés de fourrage était sans graisse et insipide. Lorsqu’on avait un peu de temps libre, on se reposait à flanc de montagnes et on cueillait des fraises des bois. On pouvait voir la mer teintée par le couchant encercler notre île et au milieu des vagues scintillantes flotter l’ile verte de Mala. De l’autre côté, les sommets s’empilaient et au fond se dressait le célèbre mont Hanra. Ici et là s’alignaient des murets à l’ombre desquels avaient été érigées les tombes des chevaux, en pierres grossières et ornées de fleurs sauvages. Pour les humains, il existe des inscriptions funéraires telles que « Ci-gît … mort loin de sa patrie », mais rien de tel pour les chevaux morts loin de chez eux. Ils doivent être à présent devenus des squelettes parfaitement blanchis.
何もないが
心安なよ
涼しさよ
nanimo nai ga
kokoro yasunayo
suzushisa yo
ne possédant rien
comme mon cœur est léger
comme l’air est frais
Le Rien
Noir
Néant
Je l’ai vu. Je le vois. Je ne dirai pas quoi. Je ne le dis pas à toi. Quoi.
Toi ? Moi.
Je ne vois que le miroir. La nuit. Dans le noir.
Le miroir miroite le noir. Le noir rien de rien. Je ne le dirai pas. Je ne
le dis pas. Tu ne le vois pas.
C’est dans le noir noirâtre de la nuit nuisible le rien de rien dans le
miroir vide que je tombe dans le rien vide. Je l’ai vu. Tu ne le vois
pas. Ne regarde pas tu ne le verras pas. Je ne peux pas le dire. Je ne le
dis pas. Je ne le dis pas à toi. Je suis tombé dans le rien noir du miroir
dans la nuit noire vide. Je tombe dans le vide. J’ai disparu dans le vide
noir. Ne m’appelle pas. Je ne peux pas le dire. Je ne le dis pas à toi. Je
le vois et je le vois. Il est invisible. Je ne le sens pas. Je ne le touche pas.
Le noir noirâtre.
Le Néant du vide de la nuit noire ne se sent pas. Non, je ne le dirai pas.
Je ne peux pas le dire. Il est là. Là il est. Tout noir dans le miroir vide.
Le vide se miroite devant le miroir tout noir dans la nuit noire.
Ne m’appelle pas. Je ne suis pas là. Tu n’es pas là. Rien n’est là. Seulement
le vide. Le noir. Le noir à l’infini. Qui se multiplie et se multiplie que tu ne
verras pas.
Que tu ne vois pas.
Tu ne le vois pas. Le Néant noir
que je vois. Pas toi. Non. Noir
Raoul Hausmann, une anthologie poétique,
Editions Al Dante, Marseille, 2007
Jean-Michel Mension. La Tribu. Allia