• Le grillon – Jean-Pierre Claris de Florian (1755 – 1794)

    Un pauvre petit grillon
    Caché dans l’herbe fleurie
    Regardait un papillon
    Voltigeant dans la prairie.
    L’insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;
    L’azur, la pourpre et l’or éclataient sur ses ailes ;
    Jeune, beau, petit maître, il court de fleurs en fleurs,
    Prenant et quittant les plus belles.
    Ah! disait le grillon, que son sort et le mien
    Sont différents ! Dame nature
    Pour lui fit tout, et pour moi rien.
    Je n’ai point de talent, encor moins de figure.
    Nul ne prend garde à moi, l’on m’ignore ici-bas :
    Autant vaudrait n’exister pas.
    Comme il parlait, dans la prairie
    Arrive une troupe d’enfants :
    Aussitôt les voilà courants
    Après ce papillon dont ils ont tous envie.
    Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l’attraper ;
    L’insecte vainement cherche à leur échapper,
    Il devient bientôt leur conquête.
    L’un le saisit par l’aile, un autre par le corps ;
    Un troisième survient, et le prend par la tête :
    Il ne fallait pas tant d’efforts
    Pour déchirer la pauvre bête.
    Oh! oh! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
    Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
    Combien je vais aimer ma retraite profonde !
    Pour vivre heureux, vivons caché.

  • Ernst Jandl

    être allongé là
    se chier dessus
    et se faire laver
    et être allongé là
    se chier dessus
    et se faire laver
    et être allongé là
    et se chier dessus
    et se faire laver
    et être allongé là
    et recevoir l’extrême-onction
    et se chier dessus
    et se faire laver
    et être allongé là
    être allongé là
    et aller au ciel

    Ernst Jandl

  • petit manifeste gériatrique – Ernst Jandl

    une ou deux années de joie de vivre modérée

    à soixante-deux ans c’est encore possible. la branlette

    ça va toujours peut-être

    moins vite et moins souvent qu’avant

    dans votre jeune temps.

    ce qu’aujourd’hui

    vous éprouvez comme

    un déclin de vos

    facultés mentales va être compensé par

    votre déclin physique.

    c’est si évident que partout

    on loue votre vivacité d’esprit

    en vous aidant subséquemment

    avec mille précautions

    à rejoindre le prochain fauteuil.

    Ernst Jandl

  • Ernst Jandl

    rue franz hochedlinger


    où moi marcher

    crachats étalés

    boudins de chiens

    dégueulis vinasse


    moi devoir penser

    mettre dans bouche

    pourlècher licher

    devoir penser moi pas vouloir

    traduit par Alain Jadot et Christian Prigent.

    Centenaire Jandl

    coulon donc un bronze pour ernst




    3


    visite

    docteur moi pas pouvoir arrêter chier
    toi donner moi remède pour arrêter chier


    docteur moi pas pouvoir arrêter dire bobo
    toi donner moi remède pour arrêter dire bobo


    docteur moi pas pouvoir arrêter parler dans tête quand dormir vouloir
    toi donner moi remède pour arrêter parler dans tête quand dormir vouloir


    docteur moi pas pouvoir arrêter crever
    toi donner moi remède pour crever




    traduit par Alain Jadot et Christian Prigent.
    TXT revue 23
    https://revue-txt.blogspot.com/2018/02/blog-post_6.html

  • sans titre – Ana Hatherly

    Ana Hatherly, sans titre, 1973.
    Doc(k)s n°80.